Programme Juin 2022

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Richard Wagner (1813 – 1883)

Tannhäuser, un grand opéra romantique (1845)

Tannhäuser est l’un des premiers chefs-d’œuvre de Richard Wagner, créé à Dresde en octobre 1845. Cet opéra romantique participe du mouvement de révolution formelle, dramaturgique et orchestrale qu’apporte le père du festival de Bayreuth. Le compositeur y a fondu divers récits anciens, réinterprétant l’art des ménestrels, les valeurs chevaleresques et la légende de Vénus, habillant l’ensemble d’un lyrisme flambant, de chœurs majestueux et d’amples mélodies qui résonnent avec la foi des bâtisseurs. En 1861, Wagner adapte Tannhäuser pour l’opéra de Paris, sur une commande de Napoléon III. Pour se conformer aux règles parisiennes, il y ajoute un ballet et en traduit le livret. Mais dès les répétitions, les conflits se multiplient, avec l’orchestre et le plateau, dont Wagner est mécontent, mais aussi avec la direction de l’opéra. La création parisienne de Tannhäuser s’achève sous les sifflets et, noyée dans la polémique, l’œuvre n’est jouée que trois fois, avant d’être retirée de l’affiche.
Dans l’air que vous entendrez aujourd’hui, Wolfram, plein d’un amour chaste et dévoué pour Élisabeth, brisée de désespoir par l’absence du lointain Tannhäuser, pressent la mort prochaine de la jeune femme. S’adressant à l’Étoile du Soir, il lui demande de faire d’Elisabeth un ange au ciel comme elle fut un ange sur la terre.

Giuseppe Verdi (1813 – 1901)

Don Carlo, l’histoire d’un amour impossible (1867)

Don Carlo est un « grand opéra à la française » au moment de sa création parisienne à l’occasion de l’Exposition Universelle de 1867, sur le modèle qui avait assuré le succès des Vêpres Siciliennes. Verdi y met en scène, s’inspirant du Don Karlos de Schiller, l’histoire tragique de l’infant Don Carlo et d’Elisabeth de Valois, d’abord promis l’un à l’autre, mais qui voient leur amour rendu impossible par le projet de mariage de la jeune fille avec Philippe II, le propre père de l’infant. Don Carlo, désespéré par cette nouvelle alliance politique qui fait de son aimée, sa belle-mère, se confie à son ami, le marquis Rodrigo de Posa. Philippe II dont la jalousie est attisée par la vindicative Princesse Eboli, commence à nourrir des soupçons à l’égard de son épouse et de son fils, qui l’affronte violemment en plaidant la cause des Flamands, persécutés par l’Inquisition. Le loyal Posa prend parti pour Philippe II à la stupéfaction générale. Mais la terrible machine de l’Inquisition est en marche : Posa y perdra la vie et Don Carlo, menacé à son tour, disparaît mystérieusement, entraîné par le spectre de l’empereur Charles Quint, son grand père, vers les profondeurs du cloître où il a trouvé asile.
Vous entendrez aujourd’hui la scène de la mort de Rodrigo, l’ami égaré, qui revient à sa fidélité en se sacrifiant pour que puisse vivre l’amour de Carlos et d’Elisabeth, donnée dans la version définitive de l’œuvre, en italien, achevée en 1886.

Modest Moussorgski – Maurice Ravel

Tableaux d’une Exposition, ou comment la musique rend hommage à la peinture.

En 1870, Moussorgski fait la rencontre du peintre et architecte Viktor Hartmann, à qui l’unit dès lors une intense amitié. Mais Hartmann meurt d’un anévrisme en 1873, avant d’avoir atteint 40 ans. Moussorgski en est profondément affecté, et lorsqu’une exposition rétrospective de l’œuvre d’Hartmann est organisée à l’Académie des Beaux-Arts de Saint-Pétersbourg, il y ressent une telle émotion qu’il écrit en six semaines seulement ses Tableaux d’une exposition, écrits sous la forme d’une longue fresque pour piano, retraçant une déambulation nostalgique parmi les œuvres de son ami défunt.
Les Tableaux retracent les voyages de jeunesse de Viktor Hartmann à travers l’Europe : la Pologne avec « Bydło », représentant un chariot tiré par des bœufs, la France grâce à plusieurs pièces (« Tuileries », « Limoges, le marché », « Catacombes ») et enfin l’Italie du « Vecchio castello », ainsi qu’un projet architectural jamais réalisé (« La grande porte de Kiev »). Les différents mouvements de la suite sont reliés par une « Promenade », dont le thème varie en fonction de la couleur et de la tonalité des tableaux qu’elle relie. Seuls six tableaux sur les dix présentés dans l’œuvre subsistent de nos jours : un dessin de costume de scène (Ballet des poussins dans leur coque), deux portraits de juifs (Samuel Goldenberg et Schmuyle), une aquarelle des catacombes de Paris (Catacombes), une représentation sous la forme d’une étrange horloge, de la maison de Baba Yaga, cette sorcière des contes russes que la nourrice de Moussorgski lui racontait enfant (La cabane sur des pattes de poule), et le projet de porte monumentale en souvenir de la tentative d’assassinat du tsar Alexandre II, destiné à un concours d’architecture qui n’eut finalement jamais lieu.
La postérité de l’œuvre est complexe. Elle n’est éditée qu’après la mort de Moussorgski, par son ami Nikolaï Rimski-Korsakov, qui en révise le texte pour en gommer les aspérités harmoniques les plus audacieuses, et il faut attendre 1931 pour qu’une édition critique rétablisse le manuscrit tel que l’auteur de Boris Godounov l’avait composé. Les Tableaux fascinent tant qu’ils connaissent à ce jour pas moins de 25 orchestrations, mais c’est évidemment celle proposée par Ravel en 1922, à la demande du chef d’orchestre russo-américain Serge Koussevitzky, qui est de loin la plus jouée, tant sa palette sonore est riche et brillante. La mélopée nostalgique du saxophone du « Vecchio castello », le tuba de « Bydło », l’obscurité méphitique des cuivres des « Catacombes », le pépiement agité des cordes et des bois du « Ballet des poussins dans leur coque » ou les cloches de la « Grande porte de Kiev » : Ravel habille le texte de Moussorgski de choix d’orchestration qui, s’ils nous paraissent aujourd’hui profondément naturels tant le pari qu’ils incarnent est réussi, relèvent alors d’une grande audace.