Programme décembre 2023

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Paul Dukas (1865 – 1935)

Fanfare pour précéder « La Péri » (1910)

Cette courte fanfare pour cuivres a été composée en introduction du ballet en un tableau de Paul Dukas « La Péri » (1910), qui raconte l’histoire d’Iskender (Alexandre le Grand) parti à la recherche de l’immortalité. Il rencontre dans cette quête à travers l’Iran une Péri, figure de génie féminin dans la littérature iranienne, créature ailée majestueuse rappelant la figure de la fée qui détient la fleur d’immortalité. Iskender va lui voler cette fleur dans son sommeil, ce qui aboutira à sa perte. Ce ballet, joué pour la première fois en 1912 au théâtre du Châtelet, a été commandé initialement par Serge Diaghilev pour les Ballets russes, avec le décor et les costumes de Léon Bakst, et Natacha Trouhanova dans le rôle de la Péri.

Claude Debussy (1862-1918)

Quatre Préludes pour piano (1909-1913), orchestrés par Anthony Girard

– Danseuses de Delphes – lent et grave
– La danse de Puck – capricieux et léger
– Feuilles mortes – lent et mélancolique
– Les fées sont d’exquises danseuses – rapide et léger

Les Préludes de Claude Debussy sont 24 pièces pour piano composées entre 1909 et 1913 réparties en deux livres, et aujourd’hui reconnues comme un sommet de la musique impressionniste française. Il s’agit de courtes pièces invitant au voyage et à la rêverie, écrites dans un style pianistique alliant sonorité, souplesse, délicatesse des nuances, sens des plans sonores, et une indispensable simplicité de style. Anthony Girard, compositeur et professeur d’orchestration au CNSM de Paris, à fait à Ut5 le cadeau d’orchestrer quatre de ces préludes. Le style de Debussy est très mobile et imprévisible, traduisant en musique des images et des impressions précises dont le philosophe Vladimir Jankélévitch disait qu’elles étaient un « Avant-propos éternel d’un propos qui jamais n’adviendra ».

Henri Duparc (1848-1933)

Mélodies pour soprano (1868-1884)

– L’Invitation au voyage (1870), sur un poème de Charles Baudelaire
– Au pays où se fait la guerre (1870), sur un poème de Théophile Gautier
– Chanson triste (1868), sur un poème de Jean Lahor
– Phidylé (1882), sur un poème de Leconte de Lisle

Henri Duparc, maître de la mélodie française, est l’auteur de 17 mélodies pour voix et piano dont 8 ont été ensuite orchestrées par ses soins. Ut5 a choisi de jouer cinq de ces Mélodies, toutes orchestrées par le compositeur lui-même, car initialement écrites pour piano et voix. Son professeur de piano, César Franck, encouragera les dons de compositeur de Duparc, musicien au parcours singulier: il s’arrêta de composer à 36 ans pour vivre dans l’isolement et le silence, malade d’hyperesthésie, une exagération pathologique de la sensibilité des cinq sens. Duparc écrira en 1922 : « C’est pour les rares amis seuls (plusieurs même inconnus) que j’ai écrit mes mélodies, sans aucun souci d’applaudissement ou de notoriété. Bien que courtes, elles sont (et c’est leur seul mérite) le fond de moi-même, et c’est du fond du cœur que je remercie ceux qui l’ont compris. C’est à leur âme que s’adresse mon âme : tout le reste m’est indifférent ». Les grands modèles de Duparc resteront Wagner, Schubert, Schumann et Beethoven, même si la guerre de 1870 mettra à mal sa germanophilie. Toujours à la frontière de réel et du rêve, ces mélodies rappellent plus la tradition du Lied allemand que celle de ses prédécesseurs Gounod, Fauré, Ravel et Debussy. Écrites laborieusement de 1868 à 1884, elles recueilleront le respect des contemporains de Duparc : Ravel parlera de « mélodies imparfaites mais géniales » et Fauré écrira dans le Figaro (1904) : « Parmi les musiciens actuels, je n’en connais pas dont les œuvres recèlent, en même temps qu’un constant souci de la forme, une invention mélodique et harmonique plus soutenue et, surtout, une plus profonde sensibilité ».

Chanson triste (1868), sur un poème de Jean Lahor

Dans ton cœur dort un clair de lune,
Un doux clair de lune d’été,
Et pour fuir la vie importune,
Je me noierai dans ta clarté.

 J’oublierai les douleurs passées,
Mon amour, quand tu berceras
Mon triste cœur et mes pensées
Dans le calme aimant de tes bras. 

Tu prendras ma tête malade,
Oh! quelquefois, sur tes genoux,
Et lui diras une ballade
Qui semblera parler de nous; 

Et dans tes yeux pleins de tristesse,
Dans tes yeux alors je boirai
Tant de baisers et de tendresse
Que peut-être je guérirai.

Au pays où se fait la guerre (1870), sur un poème de Théophile Gautier

Au pays où se fait la guerre
Mon bel ami s’en est allé ;
Il semble à mon cœur désolé
Qu’il ne reste que moi sur terre !
En partant, au baiser d’adieu,
Il m’a pris mon âme à ma bouche.
Qui le tient si longtemps, mon Dieu ?
Voilà le soleil qui se couche,
Et moi, toute seule en ma tour,
J’attends encore son retour. 

II
Les pigeons sur le toit roucoulent,
Roucoulent amoureusement ;
Avec un son triste et charmant
Les eaux sous les grands saules coulent.
Je me sens tout près de pleurer ;
Mon cœur comme un lis plein s’épanche,
Et je n’ose plus espérer.
Voici briller la lune blanche,
Et moi, toute seule en ma tour,
J’attends encore son retour. 

III
Quelqu’un monte à grands pas la rampe :
Serait-ce lui, mon doux amant ?
Ce n’est pas lui, mais seulement
Mon petit page avec ma lampe.
Vents du soir, volez, dites-lui
Qu’il est ma pensée et mon rêve,
Toute ma joie et mon ennui.
Voici que l’aurore se lève,
Et moi, toute seule en ma tour,
J’attends encore son retour.

L’Invitation au voyage (1870), sur un poème de Charles Baudelaire

Mon enfant, ma sœur,
Songe à la douceur
D’aller là-bas vivre ensemble !
Aimer à loisir,
Aimer et mourir
Au pays qui te ressemble !
Les soleils mouillés
De ces ciels brouillés
Pour mon esprit ont les charmes
Si mystérieux
De tes traîtres yeux,
Brillant à travers leurs larmes. 

Là, tout n’est qu’ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté 

Des meubles luisants,
Polis par les ans,
Décoreraient notre chambre ;
Les plus rares fleurs
Mêlant leurs odeurs
Aux vagues senteurs de l’ambre,
Les riches plafonds,
Les miroirs profonds,
La splendeur orientale,
Tout y parlerait
À l’âme en secret
Sa douce langue natale. 

Là, tout n’est qu’ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté. 

Vois sur ces canaux
Dormir ces vaisseaux
Dont l’humeur est vagabonde ;
C’est pour assouvir
Ton moindre désir
Qu’ils viennent du bout du monde.

Les soleils couchants
Revêtent les champs,
Les canaux, la ville entière,
D’hyacinthe et d’or ;
Le monde s’endort
Dans une chaude lumière. 

Là, tout n’est qu’ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.

Phidylé (1882), sur un poème de Leconte de Lisle

Offre un encens modeste aux Lares familiers,
Phidylé, fruits récents, bandelettes fleuries ;
Et tu verras ployer tes riches espaliers
Sous le faix des grappes mûries. 

Laisse, aux pentes d’Algide, au vert pays Albain,
La brebis, qui promet une toison prochaine,
Paître cytise et thym sous l’yeuse et le chêne ;
Ne rougis pas ta blanche main. 

Unis au romarin le myrte pour tes Lares.
Offerts d’une main pure aux angles de l’autel,
Souvent, ô Phidylé, mieux que les dons plus rares,
Les Dieux aiment l’orge et le sel.

Aaron Copland (1900-1990)

Fanfare for the common man (1942)

Commandée par Eugene Goossens, chef de l’Orchestre Symphonique de Cincinnati, à Aaron Copland en 1942, juste après l’attaque de Pearl Harbor, la Fanfare for the Common Man est une œuvre patriotique pour cuivres et percussions qui s’inspire du jazz et du folklore américain. L’idée initiale de Goossens est de « faire de ces fanfares une contribution vibrante et significative à l’effort de guerre ». Composée pour 4 cors, 3 trompettes, 3 trombones, un tuba, 3 timbales, une grosse caisse, et un gong, elle sera jouée pour la première fois en mars 1943, puis plus tard incorporée par Copland comme thème principal de sa troisième symphonie (composée entre 1946 et 1958). Elle a été reprise par le groupe rock progressif britannique Emerson, Lake and Palmer sur leur album Works Volume I, ainsi que par les Rolling Stones qui s’en servaient dans les années 1970 à leur arrivée sur scène.

Samuel Barber (1910-1981)

Adagio pour cordes (1936)

L’Adagio pour cordes de Samuel Barber est tiré de son quatuor à cordes no 1, opus 11 composé en 1936. Cet arrangement pour orchestre à cordes a été écrit par Samuel Barber lui-même et joué pour la première fois par l’orchestre symphonique de la NBC dirigé par Arturo Toscanini en 1938 à New York. Il existe aussi une version pour chœur de huit chanteurs, écrite par Barber en 1967 sous forme d’Agnus Dei. Cette pièce a rencontré un immense écho dans la culture populaire : utilisée dans les films Elephant man, Little Buddha, La cité des Anges parmi d’autres, elle l’a été aussi dans des séries télévisées, des jeux vidéos, au théâtre, et dans de nombreuses reprises musicales. En 2004, des auditeurs de la BBC Radio 4 élisent l’Adagio pour cordes comme l’œuvre la plus triste jamais écrite. D’une apparente simplicité, l’Adagio déroule une mélodie répétitive, quasi monastique, en tuilages sombres, lents et très lyriques. On entend un immense crescendo culminant dans des aigus célestes, appelant la prière, les larmes… ou, s’il est permis… l’espoir ?

George Gershwin (1898-1937)

Un Américain à Paris (1928)

Un Américain à Paris de George Gershwin est une œuvre orchestrale unique créée en décembre 1928 au Carnegie Hall à New York, aujourd’hui une des grandes références de la comédie musicale américaine. Initialement appelée « ballet rhapsodique » par son compositeur, elle puise dans l’héritage musical à la fois classique et populaire. C’est à la suite de son séjour à Paris en 1926 que Gershwin compose Un Américain à Paris, après une commande du directeur musical du New York Symphony Orchestra, Walter Damrosch. Lors de ce voyage, Gershwin rencontre Maurice Ravel, Igor Stravinsky et Nadia Boulanger. C’est à son retour à New York qu’il rassemblera ses souvenirs parisiens en regardant le fleuve Hudson : « J’adore ce fleuve et j’ai pensé au nombre de fois que j’avais eu le mal du pays, et puis l’idée m’est venue : un Américain à Paris, le mal du pays, le blues », confiera-t-il à un journaliste en 1929.

La cellule initiale d’Un Américain à Paris sera une mélodie de quatre mesures nommée Very parisienne qu’il offrira en 1926 à ses hôtes parisiens Robert et Mabel Schirmer : « Mon but est de décrire les impressions d’un Américain visitant Paris, ses promenades, les sons qu’il entend et la façon dont il s’imprègne de l’atmosphère française » écrit-il en 1928. Divisée en 3 grandes parties, l’œuvre commence par deux thèmes vifs qui représentent l’animation de la rue parisienne, ses klaxons dissonants que Gershwin retranscrit littéralement en écrivant pour quatre klaxons de taxis. L’œuvre prend par la suite des couleurs de musique française, fortement influencée par Debussy et le groupe des Six. Après le retour du chaos sonore parisien arrive une partie plus mélancolique avec un blues sur un solo de trompette bouchée qui évoque la « blue note » chère à Gershwin… mais « La nostalgie n’est pas une maladie mortelle », nous rassure le compositeur, et la musique retrouve la vivacité parisienne avec les thèmes joyeux de l’ouverture, sans oublier les réminiscences de l’Amérique jouées au saxophone.

En 1949, la Metro-Goldwyn-Mayer produira une comédie musicale inspirée de l’œuvre de Gershwin, puis le réalisateur américain Vincente Minnelli en fera un film avec Gene Kelly, superstar de la comédie musicale de l’époque. Ce film obtiendra un succès immédiat, et remportera le prix du meilleur film aux Oscars en 1952. En 2014, Un Américain à Paris mis en scène par Christopher Wheeldon devient pour la première fois une œuvre scénique, en création mondiale au Théâtre du Châtelet.