Programme Juin 2023 – 30 ans

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C’est peu de dire que nous attendions avec impatience le moment de fêter avec vous ce trentième anniversaire de notre orchestre, après deux ans de COVID qui nous ont contraints à le reporter… Trente années de concerts, de découvertes musicales, de rencontres avec de nouveaux musiciens, de travail avec des chefs et des solistes exceptionnels, et trente années avec vous – votre fidèle présence, votre soutien, sans qui rien de tout cela n’aurait été possible.

Beaucoup de chemin parcouru depuis cette première répétition en 1991 qui réunissait une quinzaine d’amis déjà habitués à jouer ensemble de la musique de chambre ! Avec le soutien de l’École Normale Supérieure de la rue d’Ulm dans ses premières années (si vous vous êtes jamais demandé la signification du nom de notre orchestre, le « cinquième » est donc son arrondissement d’origine et la clef d’Ut cinquième n’existant pas nous l’avons préemptée), l’orchestre s’est développé au fil du temps, rassemblant de nouveaux musiciens amateurs, porté par l’expérience et le talent de tous les chefs et les solistes qui nous ont fait l’honneur de jouer avec nous.

Place à la fête ce soir, dans un lieu exceptionnel, place aux trois chefs qui vont souffler avec nous ces trente bougies. Merci à Romain Dumas pour le beau cadeau qu’il nous fait avec ce Bestiaire, et merci encore à vous, notre public, pour
venir aussi fidèlement partager notre amour de la musique !

Piotr Ilitch Tchaïkovski (1840 – 1893)

Concerto pour violon, op. 35 (1878)

Nous sommes en mars 1878. Tchaïkovski qui approche de la quarantaine, cherche à donner un nouveau sens à son existence après avoir tenté de se donner la mort en se jetant dans les eaux glacées de la rivière Moskova suite à l’échec de son mariage avec Antonina Milioukova, l’une de ses anciennes élèves. Censée le détourner de son homosexualité, cette union s’est avérée désastreuse. Aussi choisit-il de fuir. Et c’est en Suisse, à Clarens, sur les bords enchanteurs du lac Léman qu’il trouve refuge à la fin de cet hiver 1878, en compagnie de son frère.

La visite d’un jeune violoniste de 23 ans, dont il avait été le professeur à Moscou, réveille son inspiration. Il s’appelle Josef Kotek et enflamme le coeur du compositeur. Les deux hommes passent de longs moments ensemble à déchiffrer de la musique et à s’extasier sur la Symphonie espagnole pour violon et orchestre d’Édouard Lalo. Séduit par « la fraîcheur, la légèreté, les rythmes piquants, les belles mélodies admirablement harmonisées » de Lalo, Tchaïkovski décide de se lancer dans la composition d’un concerto pour violon. Onze jours lui suffiront pour écrire la partition et deux semaines pour en terminer l’orchestration.

Dès le premier mouvement, le discours est enflammé, le violon té moigne rapidement d’une fiè vre étourdissante qui atteint ses sommets dans l’impressionnante et si périlleuse cadence. D’emblée, le compositeur affiche sa force retrouvée après son combat contre la dépression et l’exaltation de cette passion amoureuse que le jeune violoniste a fait jaillir en lui. Mais la nostalgie est toujours là et exhale ses soupirs dans le second mouvement, une sublime Canzonetta où s’exprime l’extraordinaire fibre mélodique du compositeur. Ici, le ton se fait intime, l’orchestre est dans le registre du murmure, confiant à la flûte et à la clarinette le soin de dialoguer tout en douceur avec le violon, qui joue avec la sourdine, dans une ambiance en clair-obscur. Quelques trilles du violon conduisent à la transition avec l’éclatant Allegro vivacissimo aux accents bondissants et à la virtuosité débridée. Tchaïkovski semble ici comme emporté par une flamme et retrouve cette fraîcheur qu’il avait tant appréciée dans l’œuvre de Lalo, et qui venait de redonner de l’éclat à sa propre vie.

Romain Dumas

Bestiaire Héroïque – création

J’avais depuis longtemps envie de mettre en musique les grandes créatures mythologiques. Le projet a pu se concrétiser grâce à la commande de l’orchestre Ut Cinquième d’une pièce anniversaire.

On entendra 5 miniatures pour orchestre dépeignant tour à tour Python, Pégase, la Biche de Cérynie, les Sirènes et l’Hydre. Pourquoi des miniatures ? Elles sont un écho aux peintures des vases antiques qui encapsulent ces créatures si
terrifiantes. Afin d’élargir encore cette idée, j’ai commandé à la poétesse Emmanuelle Cordoliani un ensemble de haïkus.

Python

Il pourchasse Léto, alors enceinte d’Apollon sur ordre d’Héra. Apollon se venge et tue Python des flèches dont l’a muni Zeus.

Sous le dragon d’or
Couve, le feu ancien qui dort
Avec le futur

Pégase

Il est le fameux cheval ailé né du sang de la Méduse décapitée par Persée. Symbole de sagesse, il devient le créateur des sources dans lesquelles les poètes (et les musiciens !) viennent puiser l’inspiration. Cette pièce est un large souffle de vents et de nuages.

Crinière d’air
Sabots du vent, robe d’azur
pesée d’une plume

La biche de Cérynie

Parmi les 12 travaux d’Hercule, attraper la biche de Cérynie. Il la poursuit pendant un an. Une musique en forme de course effrénée.

Tu peux stopper la
Biche mais la course non pas
Toujours elle échappe

Sirènes

Ces Sirènes n’ont rien de poissons, mais sont ici d’abominables créatures ailées ensorcelant les marins, attirant leurs bateaux dans une baie dangereuse bordée de récifs…

Un phare obscur luit
Au sein de leurs voix aveuglantes
La lune chavire

L’hydre

D’une grandeur démesurée, elle a neuf têtes, dont huit mortelles et la neuvième immortelle. Couper les têtes ne sert à rien, car pour une qu’il abat, il en renaît deux. Il appelle à son aide Iolaos qui brûle avec des tisons enflammés les têtes à mesure qu’elles repoussent, les empêchant de renaître.

Chaque tête tue
Repoussantes, toutes repoussent
Une seule tombe

Piotr Ilitch Tchaïkovski (1840 – 1893)

Roméo et Juliette – Ouverture Fantaisie (1869)

Roméo et Juliette selon Tchaïkovski « c’est un “survol” du drame et surtout de son ambiance », explique Michel-R. Hofmann, qui voit dans cette oeuvre « un abrégé musical, un sommaire thématique d’un opéra existant à l’état de “possible” : un opéra vu à vol d’oiseau, considéré dans son ensemble par un observateur qui noterait au hasard creux et bosses, en n’obéissant qu’à une logique purement musicale », en l’occurrence une forme sonate assez libre.

Après une sombre introduction qui aboutit à un thème agité (dit « des épées », avec un passage évoquant leur entrechoquement dans un duel), vient un chant d’amour généreux que Rimski-Korsakov jugeait être « l’un des plus beaux thèmes de la musique russe », thème repris dans de nombreux films, et qui va se perdre dans le retour du thème précédent, jusqu’à ce qu’une sorte de marche funèbre, à laquelle se superpose un thème consolateur, rappelle l’introduction du morceau.

Arturo Márquez (1950)

Danzón n° 2 (1994)

Le Danzón n°2 est une oeuvre fascinante du compositeur contemporain mexicain Arturo Márquez (né à Álamos en 1950) où s’entremêlent les mélancoliques atmosphères sud-américaines et des rythmes entraînants. Le danzón est un ballet originaire de Cuba, qui est également pratiqué dans la région mexicaine de Veracruz, et le compositeur l’a utilisé comme source d’inspiration pour toute une série de compositions. Le Danzón n°2, commandé en 1994 par l’Orchestre Philharmonique de l’Université Nationale Autonome du Mexique, est assurément la plus connue d’entre elles. Le critique Aurelio Tello a qualifié cette oeuvre comme « l’un des visages les plus authentiques de la musique mexicaine actuelle ».